Reine Musgen

  • Portrait féminin en gouache par Reine Musgen (1944–1947), dessin au trait fin et motifs textiles colorés, art brut, portrait du milieu du XXe siècle.

Entre 1944 et 1947, l’artiste anonyme réalise quatre cahiers de gouaches, constituant un ensemble rare par sa cohérence comme par son caractère expérimental. Chaque cahier rassemble des portraits féminins inspirés de photographies de magazines, mais réinterprétés avec une liberté graphique qui dépasse largement la simple copie. L’usage fréquent du recto verso, inhabituel pour ce type de production, révèle une pratique spontanée, immédiate, où l’économie de moyens n’entrave jamais l’intensité expressive.

Dans ces portraits, les femmes représentées acquièrent une puissance silencieuse : un mélange de fragilité et de détermination, affirmé à une période où la présence féminine est souvent marginalisée dans le récit de l’histoire de l’art. Le trait, fin, sinueux et parfois vacillant, structure des visages volontairement simplifiés, tandis que les tissus sont traités avec une minutie remarquable. Une multitude de petits motifs colorés — points, signes, touches brèves — composent un véritable alphabet graphique, propre à l’artiste, où la peinture se rapproche parfois du textile ou de l’écriture.

Pour situer cet ensemble dans le champ de l’art, on peut mobiliser le concept d’art brut, formulé par Jean Dubuffet en 1945. Non pas comme une catégorie esthétique normative, mais comme un outil heuristique, permettant d’éclairer des pratiques autonomes, éloignées des circuits institutionnels et des conventions académiques. Ces gouaches ne sont pas de « l’art brut » au sens strict, mais elles se laissent lire à travers cette grille : liberté du geste, invention des motifs, autodétermination du langage plastique.

À posteriori, certains rapprochements peuvent être évoqués — la densité décorative que l’on retrouve chez Séraphine Louis, la frontalité directe de certains portraits naïfs ou singuliers, ou encore la simplification moderniste du visage. Mais ces correspondances ne doivent pas masquer la singularité de l’ensemble : une œuvre intime, patiente, minutieuse, qui affirme une présence féminine forte à travers un langage visuel entièrement personnel.

Les quatre cahiers constituent ainsi un témoignage précieux d’une créativité autonome, sensible et profondément incarnée, permettant de reconnaître ces gouaches comme une contribution singulière au paysage artistique du milieu du XXᵉ siècle.

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