Oeuvres
Agustina Casals demeure une créatrice énigmatique, on suppose qu’elle serait née en Catalogne vers la fin du XIXᵉ siècle, dans un contexte rural marqué par les migrations. Certains indices laissent penser qu’elle aurait émigré en Argentine, comme de nombreuses familles catalanes entre 1880 et 1910, emportant avec elle un imaginaire façonné par les paysages méditerranéens et la mémoire des villages de pierre.
Son œuvre connue se compose d’un cahier de quarante dessins, tous réalisés à la mine de plomb sur un papier modeste. Ce cahier constitue la seule trace matérielle de son activité artistique. Les pages montrent un monde façonné par l’observation et la rêverie : maisons aux façades simples, collines rythmées d’arbres isolés, jardins géométrisés, silhouettes architecturales très marquées.
Parmi ces dessins, l’une des feuilles se distingue par son caractère presque conceptuel : une sorte de plan hybride, où coexistent vue en coupe, perspective frontale, vue aérienne, et éléments symboliques. Cette pluralité de points de vue révèle une démarche instinctive, non académique, une construction mentale du réel plus qu’une représentation conforme aux règles de la perspective.
Le trait de Casals, minutieux mais spontané, semble guidé par une volonté d’organiser l’espace comme on organise une pensée : les arbres, les bâtiments, les clôtures s’alignent ou se dispersent selon une logique intérieure. Les compositions apparaissent à la fois rigides et oniriques, comme si l’artiste tentait d’imposer un ordre personnel à des souvenirs fragmentaires — peut-être ceux d’un pays quitté, ou d’un territoire jamais totalement apprivoisé.
Le fait qu’Agustina Casals n’ait laissé aucune mention écrite, aucun contexte social, ni trace d’exposition, la rapproche de nombreuses créatrices anonymes dont l’œuvre n’a survécu que par chance. À une époque où l’activité artistique féminine était souvent invisible ou reléguée aux marges, la préservation de ce cahier constitue un témoignage d’une rare importance.
Aujourd’hui, son travail peut être envisagé comme un exemple poignant d’art brut féminin de la fin du XIXᵉ et du début du XXᵉ siècle : une expression profondément personnelle, née en dehors des codes esthétiques, où la création s’apparente à un acte de mémoire et de survie intérieure. Son cahier, fragile et silencieux, révèle une voix graphique unique qui, malgré l’absence de récit biographique, continue de susciter une fascination durable.
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